« Rares sont les hommes qui, dans le monde contemporain, contemplent véritablement la beauté qui les entoure ». (Frédérique Brun – extrait de son livre « Novalis et l’âme poétique du monde »)
Frédérique Brun
« Habiter poétiquement le monde », aux éditions Poesis. Choix des textes et conception de Frédéric Brun.

« Habiter poétiquement le monde »… Cette expression, empruntée aux célèbres vers du poète allemand Höderlin, n’a jamais cessé depuis deux siècles d’être citée ou commentée par des écrivains, des poètes, et des philosophes de tous les pays. Elle me touchait déjà avant de lire ce livre. J’ai croisé cette phrase plusieurs fois au cours de mes lectures ces derniers temps… notamment dans un autre livre passionnant qui s’appelle »célébration de la beauté »( de Roland de Miller), et sur lequel j’ai écris un article récemment.
Frédéric Brun a choisi des extraits de textes de grands auteurs pour constituer cette anthologie-manifeste proposant des pistes essentielles pour « habiter le monde poétiquement ».
Les textes sont classés en cinq périodes:
-Le monde romantique, avec Hölderlin, bien-sûr, mais aussi Novalis, Shelley, Lamartine, George Sand, entre autres…
-Le monde post romantique, avec Thoreau, Emerson, Nerval, Baudelaire, Rimbaud…
-Le monde moderne, avec Rilke (et son inoubliable lettre à un jeune poète), Proust, Tagore, Saint-Exupéry…
-Le monde du renouveau, avec Cocteau,Breton, Saint-john Perse…
-Et enfin le monde contemporain, avec Yves Bonnefoy, J-M Le Clézio, Christian Bobin, et bien-sûr Sylvain Tesson, dont je suis entrain de lire tous les livres un par un, et dont je ne me lasse pas…
Et ceux-là sont juste quelques uns des auteurs extraordinaires qu’on retrouve dans ce livre, sans oublier des personnalités d’autres disciplines, comme le sociologue Edgar Morin, l’astrophysicien Hubert Reeves et l’agriculteur biologiste Pierre Rabhi.
Lorsque tous ses auteurs évoquent leur désir d’habiter poétiquement le monde, ils ne parlent pas forcément d’écrire des vers à longueur de journée… Il est plutôt question ici d’une véritable manière de vivre et de regarder le monde…
Extraits:
-La poésie est le langage universel que le cœur tient à la nature.[…] Partout où existe un sentiment de beauté, de puissance ou d’harmonie, comme dans le mouvement de la vague sur la mer, dans la croissance d’une fleur qui étend dans l’air ses feuilles délicates, et dédie au soleil sa beauté, là est la poésie à sa naissance.Elle n’est pas une branche du métier d’auteur, mais « l’étoffe dont notre vie est faite ».(William Hazlitt
-Le poète a un sens particulier, c’est le sens du beau (George Sand)
-La poésie, c’est l’enthousiasme cristallisé (Alfred De Vigny)
-La poésie est, d’abord, une manière d’être au monde » (Colette-Nys Mazure)
-Avant que d’être changé, le monde n’a-t-il pas besoin d’être réenchanté? N’avons-nous pas besoin de l’aimer et de le contempler pour retrouver l’énergie d’en prendre soin? c’est cet amour profond de ce que j’appelle « la symphonie de la Terre », qui, au delà des constats alarmants sur les désastres actuels et à venir, me pousse à œuvrer à la mise en place de solutions(Pierre Rhabi).
-Être vivant, c’est d’abord savoir regarder.[…] Le regard donne son mouvement au monde. Il ne faut pas s’habituer. Il faut être stupéfait tout le temps, par chaque nouvelle vision.[…] J’ai cet infini jouissable de l’instant présent, durci en moi, un vrai diamant qui flamboie dans mon corps. (J.M. Le Clézio).
-La poésie a pour fin la quête spirituelle de la Beauté.[…] Le sentiment du beau est produit par l’émerveillement que le poète éprouve en face des chose de la création. Cet éblouissement de l’âme restitue aux objets leur fraîcheur originelle, il les renouvelle, les illumine, il rend aux mots qui les nomment une part de leur transparence.(Marc Eigeldinger)
-Dans cette lutte incessante que constitue le monde moderne, les contemplatifs sont les guerriers les plus résistant[…] Les poèmes du boulanger, ce sont ses pains… Je crois que, au fond, c’est ça la poésie, c’est juste un art de la vie. (Christian Bobin)
-La poésie n’est pas simplement un art du langage. Elle me semble porteuse d’une plus grande ambition, se voulant, au plan de l’existence, recherche d’une autre lumière et d’un autre langage pour donner sens à notre séjour, à notre habitation de la Terre. Aujourd’hui, nos vies sont gouvernées, pour l’essentiel, par une logique économique, une rationalité marchande, dont on voit bien, à la faveur de la crise en cours, combien elle est déraisonnable et dommageable à l’humanité tout entière.(Jean-Claude Pinson).
-Le moindre de nos gestes a son importance dans un monde qui apparait pour la plupart d’entre nous de plus en plus imprévisible; accrochons-nous à ces gestes et à ces mots simples pour habiter la terre avec un peu plus de lenteur, d’émerveillement et d’humanisme. (René Char)
-Il faut que l’homme habite poétiquement ce monde, qu’il cesse de courir après une croissance effrénée pour retrouver l’essence de son existence. Il doit tenter d’exister avec le plus de réceptivité possible, en contemplant les beautés qui nous entourent, en s’en nourrissant, s’en inondant l’âme et les yeux, en essayant chaque jour de regarder plus attentivement le ciel, la mer, l’écume, les arbres, le sourire d’un enfant, avec les yeux et l’esprit du poète.(Frédérique Brun)
