Lostmarc’h, Pointe de Dinan, Pointe de Pen’Hir, Plage de Pen’Hat, de La Palue, de Goulien… Des mots qui résonnent comme des appels. Des endroits qui m’ont envoûtée, littéralement. Une beauté sauvage qui m’a saisie et s’est distillée dans mon âme, chaque jour un peu plus…
J’ai fusionné avec les éléments avec délectation… Je me suis baignée, en plein mois de septembre, presque tous les jours. Pour infuser l’océan dans mes veines, m’imprégner de son eau salée… J’ai respiré son air iodé. J’ai laissé les embruns et le vent sur les falaises emmêler mes cheveux. Un bonheur pur. En vrai… Indescriptible… Aucun mot, aucune image ne parvient à traduire le sentiment qu’on éprouve au cœur de ces paysages.
Il y a l’Ile vierge à la pointe de Kerloc’h, sur la côte Est du cap de la chèvre. Sa végétation de pins maritimes et de bruyères en fleurs… Ses couleurs vives que le soleil fait éclater.
A l’ouest, face à l’immensité de l’atlantique, la pointe de Lostmarc’h et son chapelet de plages grandioses (Lostmarc’h, La Palue, Goulien…). Des sites merveilleux pour marcher, rêver, imaginer … D’une beauté saisissante.
Plage de Lostmarc’h et La Palue, au petit matin
La Palue et Lostmarc’h
Au petit matin, je partais à la chasse à la lumière. Je m’installais avec mon thermos de thé vert, ma palette d’aquarelle… Pour tenter modestement de dessiner ce que je voyais ou plutôt ce que je ressentais…
Un peu plus loin, la pointe de Dinan.
S’il y a un lieu où l’on peut imaginer une porte d’entrée vers la cité d’Ys, ce serait sans doute ici. Mes yeux y ont scruté l’écume pour tenter d’apercevoir la princesse Dahut, redevenue sirène et pleurant tristement sur la cité engloutie…
En face de la Pointe de Dinan, la spectaculaire Pointe de Pen’Hir… et ses fameux « Tas de Pois ».
rencontres sympathiques
Tout près de là, le Sémaphore du Toulinguet et la plage de Pen’Hat, aux eaux cristallines…Là où la Terre finit…
Sémaphore du Touliguet et la plage de Pen’Hat
Lorsque le vent souffle…
La pointe de Dinan était mon site préféré pour les couchers de soleil… Toujours en compagnie de la princesse Dahut…
Et juste après le spectacle de ce coucher de soleil sur la pointe de Dinan, je me suis retournée pour assister au lever de lune, à l’est…
On comprend que ces lieux soient si imprégnés de contes et de légendes…
petit peuple de l’Océan
Trésors marins
Je vous propose ce mois-ci deux vidéos crées pendant mon séjour sur la Presqu’île de Crozon… La première, (en cliquant sur ce lien) sur une chanson de Nolwen Leroy, dont les paroles et la musique m’ont accompagnée tous les jours durant mes grandes marches solitaires.
La deuxième sera publiée la semaine prochaine, dans un style très différent. Et je publierai également un article sur Jacques Boënnec, un artiste breton injustement méconnu, dont j’ai découvert l’œuvre pendant mon séjour sur la presqu’île.
Les falaises sont ici le témoin évident de l’histoire géologique mouvementée de notre belle planète.
ces paysages dont la beauté m’a envoûtée me manquent déjà…
De retour d’un séjour en Touraine, pendant lequel j’ai pu satisfaire ma soif de châteaux, j’ai choisi d’ écrire cet article sur mes trois coups de cœur. Peut-être parce que ces trois Châteaux sont un peu moins fréquentés par les foules touristiques. Tous les châteaux de la Loire sont fascinants, mais ces trois là ont, à mes yeux, un petit supplément d’âme…
Le château d‘Ussé… Le plus « féerique ».
On l’appelle souvent « Le Château de la Belle au bois dormant »…
« Il était une fois un château aux allures féeriques, magnifique bâtisse hérissée de tours et de clochetons, surplombant l’Indre et La Loire… Un château tellement merveilleux que Charles Perrault, séduit par le romantisme des lieux, s’en inspira pour en faire le cadre enchanté de sa « Belle au bois dormant »… Voilà ce qu’annonce le dépliant du château…
Château d’Ussé
Et je n’ai pas été déçue… Il est vrai qu’il a bien belle allure, ce château impressionnant, adossé à la forêt de Chinon, et surplombant l’Indre dans laquelle il se reflète…
Lorsqu’on passe les grilles du château, les façades en pierres blanches et les tours se dessinent à travers les branches des magnifiques cèdres du Liban offerts par Chateaubriand à la Comtesse de Duras, très éprise du ténébreux écrivain…
Le Château d’Ussé à travers les branches du cèdre du Liban offert par Chateaubriand… Aquarelle!…
Situé dans la partie la plus ancienne du château, le chemin de ronde nous invite à une mise en scène racontant l’histoire de La Belle au Bois Dormant. Escaliers en colimaçons, greniers, charpentes plusieurs fois centenaires sont le décors idéal pour nous accompagner dans ce retour à nos rêves d’enfants. Sauf qu’aujourd’hui, j’ai réalisé qu’à présent, je m’identifie davantage à la reine un peu vieillissante et nostalgique de sa beauté passée pour laquelle j’ai beaucoup d’empathie… qu’à la gentille et jolie princesse en attente d’un hypothétique prince charmant!… (un peu d’humour en passant!…)
Une page de mon « Carnet de Voyages », pour illustrer ce sujet…
C’est Le Nôtre en personne, celui-là même qui réalisa les jardins de Versailles, qui dessina pour Ussé les remarquables jardins à la Française. Introduits plus tard, des agrumes, orangers et citronniers, s’y sont acclimatés avec succès. On peut encore les admirer aujourd’hui.
Lorsque je passe un moment de contemplation devant des édifices comme celui-ci, je ne peux m’empêcher de penser à tous les hommes et les femmes qui ont contribué à le faire vivre. Je pense à ceux qui l’ont imaginé, rêvé, construit, les tailleurs de pierre, les sculpteurs, les artisans… Je pense aux propriétaires successifs qui ont l’ont aimé, amélioré, embelli, abandonné aussi, parfois… Faute de moyens. Je pense à toutes les petites mains qui l’ont décoré, entretenu, protégé, préservé, sans relâche. Les ébénistes, les couturières, les femmes de ménage successives… Même le gardien du château, qui y consacre tout son temps et toute son énergie, comme si c’était le sien. Ce qui est un peu vrai, d’une certaine façon. Ce château est un peu à tous ces gens. Toutes ces âmes, se retrouvent dans un même amour. Un attachement indestructible pour « leur château », pour lequel ils donnent tant, afin de continuer à le faire vivre. Et la visiteuse que je suis est sensible à tout cela.
En un mot: Le vrai château de conte de fées!…
Château du Riveau: le plus artistiquement « inspirant » …
A quelques kilomètres plus au Sud, j’ai découvert Le Château du Rivau.
Les propriétaires du Rivau, ont su faire de ce Château un lieu absolument enchanté. Tout y est fait avec beaucoup de goût et de créativité.
Ses jardins de conte de fées sont classés « jardins remarquables », et ce titre est amplement justifié. Chaque détail est pensé avec subtilité, des thèmes des jardins jusqu’à la décoration intérieure, les objets de collection présentés, le choix des expositions qui s’y tiennent, jusqu’à la cuisine des deux restaurants du Château…Tout est présenté avec un goût artistique qui m’a littéralement enchantée.
Le château du Rivau est entouré de 14 jardins présentés sous le thème des contes de fées. Il y a le potager de Gargantua, le jardin secret,
Le jardin de la Princesse Raiponce, La forêt enchantée, le jardin du petit Poucet, le Labyrinthe d’Alice, le jardin des plantes comestibles,
Le jardin des philtres d’amour, le chemin des fées,
la Forêt qui court, le verger du Paradis,
La Cassinina, le jardin aux papillons , le Bois amoureux, le chemin des senteurs,
…. Et le parterre de lavandes, devant le château. Il y a aussi la présence de quelques volatiles précieux et romantiques…
Un paon blanc au Château du Rivau
A l’intérieur du château, les collections et objets d’art traditionnels dialoguent avec les œuvres d’art fantasques d’artistes contemporains, sous forme de licornes, chimères, automates, et autres objets étranges, donnant à l’ensemble un côté « cabinet de curiosités » décalé que j’ai adoré. Lorsque j’y suis allée, se tenait l’exposition « Effervescence », à l’intérieur même du Château. Mais j’avais du mal à distinguer les œuvres exposées, des collections habituelles du Château, tellement ces dernières ont été choisies avec goût par les propriétaires.
Jeanne de Colchine-oeuvre de Julien Salaud 2027-Collection du Château du Rivau
A chaque pas, une idée,
Ou un trait d’humour… Une perruque de femme, mêlée aux trophées de chasse…
J’ai beaucoup BEAUCOUP aimé tout ce que j’ai vu et ressenti dans ce château à l’atmosphère très inspirante pour les âmes d’artistes. Il y plane aussi le souvenir de Jeanne d’Arc qui vint au Rivau pour quérir des chevaux pour mener l’armée du dauphin Charles (futur Charles VII) vers le siège d’Orléans, afin de bouter les anglais hors de France.. Une pièce entière de la tour lui est consacrée et Jeanne y est évoquée de manière très onirique.
Un enchantement renouvelé partout où mes yeux se posaient.
Au Château du Rivau, tous les sens sont sollicités. Les yeux, bien-sûr, avec toutes ces couleurs dans les jardins, ou avec ces géniales créations artistiques… Mais aussi le nez, avec le parfum des fleurs…
Et même le goût, avec la présence de deux restaurants dans l’enceinte même du château: « La table des fées », avec une terrasse donnant sur le jardin potager, et servant des plats avec des produits régionaux et des légumes frais du potager.
Et « Le jardin secret », restaurant gastronomique aux saveurs raffinées proposant des mets aussi délicieux que beaux dans les assiettes…
Mise en bouche au fleurs de courgettes frites
Colin aux herbes et décoration fleurs de Sakura
Un château inspirant de mille manières… qui m’a donc « inspiré » ces petites aquarelles!..
L’allée des senteurs…
Château du Rivau et son collier de roses
Une expérience enchantée à ne pas râter!…
Château de L’Islette, le plus « paisible »…
C’est le petit frère d’Azay-le-Rideau. Juste à côté de son très fréquenté voisin, aussi joli, mais beaucoup plus calme et paisible… Fait pour la rêverie…
Le château a abrité les amours tumultueuses de Rodin et de Camille Claudel, qui ont séjourné plusieurs fois ici, loin de Paris, au début des années 1890. Ils y travaillèrent aussi et réalisèrent certaines de leurs œuvres, comme « la petite châtelaine », réalisée par Camille Claudel.
Aux beaux jours, des chaises longues, des tables et des chaises sont disséminées dans le parc, sur les bords de l’Indre, ou sur des îlots de gazon vert tendre. Des cygnes se déplacent avec douceur sur les étangs autour du petit moulin, tout près de l’entrée. Un décors qui dégage une sérénité vraiment appréciable au milieu de la course des touristes autour des châteaux de La Loire.
Pour terminer, je vous propose de visionner sur ma chaîne YouTube ces deux courtes vidéo sur le Château d’Ussé et sur le Château du Rivau.
Je viens de visiter cette très belle exposition qui se tient au château de Bouges, dans l’Indre, tout l’été et jusqu’au 3 novembre 2024. Elle nous conte de manière très poétique, l’histoire des jardins, du Moyen Âge à nos jours, à travers une série de créations artistiques et de réalisations vidéos. Une petite merveille!…
La traversée des jardins… L’exposition…
« Pour transformer la nature en jardin, il ne faut pas seulement être jardinier, mais aussi architecte, peintre et poète ».
L’exposition commence par le jardin médiéval. Au moyen âge, le jardin clos apparait d’abord dans les monastères. Dans les cloitres, les moines se font jardiniers et recréent le jardin d’Eden, tout en cultivant les plantes médicinales. Les romans chevaleresques et les récits imaginaires font des ces jardins clos des lieux merveilleux, aux arbres chargés de fruits et aux treilles fleuries… « Le roman de la Rose », commencé en 1220 par Guillaume de Lorris et achevé en 1280 par Jean de Meung, évoque un songe à travers lequel la quête de la Rose par le narrateur l’entraîne de lieux idéaux en jardins oniriques. Ainsi tout au long du moyen âge, le jardin est à la fois réel et imaginaire. Le sujet est illustré ici par une œuvre magistrale de Lætitia Miéral, artiste et magicienne du papier. Elle a créé pour ce thème un grand livre manuscrit enluminé d’où jaillit un château médiéval entouré d’un jardin de roses.
Le jardin de la Renaissance peuple ses allées de statues de marbre, de labyrinthes de verdure, de grottes, de nymphes et de fontaines jaillissantes. Les humanistes italiens du XVème siècle, qui souhaitaient retrouver l’idéal esthétique et intellectuel de l’antiquité, avaient une vision sublime du passé et rêvaient de faire triompher la lumière sur les siècles d’obscurantisme.
Le « Jardin renaissance« s’ouvre au monde. Dessiné et construit par des architectes-paysagistes, il est offert à la vue depuis les fenêtres des demeures. Il est avant tout géométrique, composé de parterres symétriques, de colonnes de marbre aux plantes grimpantes, de canaux, de bassins, de grottes artificielles ou de labyrinthes. Reprenant les thèmes fantaisistes de ces jardins, le « Carrousel » des artistes Piet sO et Peter Keene invite le regard à se perdre dans des décors miniatures animés de jeux de lumière pour reproduire la course du soleil dans le ciel.
Dans l’art des « jardins à la française« , le nombre et la variété extrême des jeux d’eau sont le symbole privilégié du merveilleux baroque. L’eau en mouvement s’écoule, bouillonne ou jaillit. Les eaux miroitantes qui s’étalent dans les parcs sont l’autre grande trouvaille des architectes des jardins baroques. Ces parterre d’eau renversent le monde, enchantent le regard tout en célébrant le génie de l’architecte-paysagiste tel qu’André Lenôtre (1613-1700, jardinier du roi Louis XIV, dont les perspectives semblant se fondre à l’infini ainsi que les aménagements hydrauliques complexes de Vaux-le-Vicomte ou Versailles sont copiés ou imités dans toute l’Europe.
Théâtre et illusion sont les thèmes majeurs de l’imaginaire baroque. Le « jardin baroque » est un décors de théâtre qui se déplace au jardin, notamment lors des grandes fêtes que Louis XIV organise. La plus fameuse est celle des plaisirs de l’île enchantée, consacrée au personnage d’Alcina, magicienne retenant captifs dans son jardin magique les chevaliers égarés. Cette fête de 1664, qui marque durablement les esprits, se termine dans la disparition du palais construit sur les eaux lors d’un éblouissant feu d’artifice. C’est ce type de spectacle grandiose, magnifiquement reconstitué, que l’on peut voir dans le film Vatel .
Un étonnant théâtre mécanique, créé par Sébastien Simon, évoque lui, la magie du jardin baroque, magie obtenue grâce à des reflets dans un miroir.
Théâtre mécanique de Sébastien Simon
Cette période est aussi celle de l’apparition de « Jardins botaniques« , évoqués ici dans un décor inspiré des cabinets de curiosités.
Cette traversée des jardins se poursuit avec le jardinanglais du XVIIIe siècle. Contrairement à la rigueur du jardin à la française, dans le jardin anglais, les paysages sont composés comme des tableaux, mettant en valeur les arbres, les étangs, les rivières dans des sites jalonnés d’architectures et de ruines. Le jardin anglais invite à la rêverie. Volontairement irrégulier, il estompe la frontière entre nature sauvage et nature cultivée. Un série de petits tableaux en forme de luminaires illustre ce thème (création de Corinne Bernizet),
All-focus
Le « jardin pittoresque » est évoqué par une projection de fascinants transparents du peintre et paysagiste Louis de Carmontel (1717-1806), projetées sur un drap blanc et défilants doucement en continu de droite à gauche… Seule devant ces images, j’ai vraiment eu l’impression d’évoluer dans ces décors du XVIII ème siècle, et de faire une promenade dans les jardins de l’époque, en compagnie de Jean-Jacques Rousseau, lui-même si friand de ses fameuses « promenades solitaires ».
Le tableau suivant évoque « Le jardin miniature« , très prisé par l’Angleterre victorienne C’est un peu l’ancêtre du terrarium moderne, recréé ici par Benoit Duvergé qui en fait un objet de rêverie..
C’est encore de l’Angleterre que viendra l’apparition du « jardin naturel », au XIXe siècle, riche de ses compositions florales aux couleurs variées, et à l’origine du « cottage garden ». Ce type de jardin devient la source d’inspiration de plusieurs peintres dont Claude Monet et son fameux jardin de Giverny. Ce thème est magnifiquement illustré dans l’exposition par une projection dans un miroir antique d’images superposées des jardins de Monnet à Giverny, avec des éléments naturels (fleurs, reflets dans l’eau…) L’effet est hypnotisant et nous plonge au milieu des tableaux du peintre et de leurs couleurs éclatantes…
Souvent lieu de souvenirs d’enfance, le jardin est aussi le cadre idéal de contes et légendes, où apparaissent fées ou magiciennes. Ce « jardin de l’enchantement » est évoqué ici par un décor floral (une création de Jardin d’Ombres) animé par des images vidéos poétiques.
Le « jardin secret » , inspiré d’un célèbre roman pour la jeunesse écrit par est évoqué par une création de Sébastien Simon.
En conclusion de l’exposition, avec la présentation d’un herbier lumineux imaginé par Colas Reydellet, il sera rappelé la fragilité du jardin et sa nécessaire préservation. Enfin, qu’ils soient réels ou rêvés, cette exposition nous rappelle combien les jardins ont toujours été et seront toujours une source inépuisable d’inspiration pour les artistes…
Cette très poétique exposition sur l’histoire des jardins va être itinérante, mais elle se tient jusqu’au 3 novembre au château de Bouges (entre le sud de la Touraine et la campagne berrichonne). Et il faut dire que ce château est un bien bel écrin en harmonie parfaite avec le thème….
Château de Bouges
L’intérieur est un petit bijou, et les jardins sont juste magnifiques.
Derrière les communs et les écuries, qui abritent aujourd’hui une collection de voitures hippomobiles, on découvre un ravissant jardin de fleurs et ses serres du XIX ème siècle.
Autour du château, un jardin régulier à la française offre d’un côté des broderies de buis et côté Ouest, un bassin et un buffet d’eau se prolongeant en tapis de pelouse d’un vert tendre.
Château de Bouges
Mais c’est le jardin a l’anglaise qui m’a vraiment séduite…Il amène une dimension naturelle dans la composition du domaine et ajoute indéniablement au charme de l’ensemble. Et lorsqu’on sort de la visite d’une belle exposition sur les jardins, on est d’autant plus sensible à cette beauté-là.
L’entrée du Parc à l’anglaise est agrémentée par deux énormes tilleuls, impressionnants par leur taille et leur âge (Plus de 150 ans). Mais c’est leur parfum indescriptible qui m’a surtout complètement ensorcellée. J’ai eu la chance de les trouver en pleine floraison; je me suis donc assise sur l’un des bancs disposé là, juste en dessous, et je me suis littéralement « shootée » aux senteurs bienfaisantes du grand tilleul argenté en fleurs… Un moment inoubliable!…
A l’ombre du grand Tilleul-Château de Bouges.
Ensuite, de belles allées sinueuses partent à travers de grandes étendues de pelouses et d’herbes folles; les chemins font le tour d’un vaste étang aux eaux lisses, bordé d’arbres séculaires aux essences variées… Ginkos, Ormes, Chênes verts, tulipiers de Virginie, saules pleureurs, Sequoias géants, Liquidambars… Un paradis pour les amoureux des arbres.
L’étang- Château de Bouges
L’intérieur du château mérite également la visite…
Quant à la petite boutique du château, je l’ai trouvé pleine de trésors et surtout riche de très beaux livres. J’ai bien-sûr eu très envie d’en apprendre davantage sur l’histoire des jardins.
Petite bibliographie trouvée sur place:
-« Tous les jardins du monde » de Gabrielle Van Zuylen. Une histoire des jardins sur tous les continents, aux éditions Gallimard (Découvertes). Superbe petit livre de poche richement illustré. Passionnant.
-« Herbier » de la collection l’oeil curieux, édité par la BNF avec de jolis dessins de botanique .
-« Le goût des fleurs » (Ed Mercure de France-poche). Un recueil de textes de grands auteurs sur le thème des fleurs.
-« Cabinet de curiosités-30 trésors de la Nature à dessiner » Ed Créapassions, de Agathe Haevermans. Un livre qui donne envie de dessiner des plumes,des coquillages, des légumes et autres merveilles naturelles.
-Le jardin en cent poèmes ». Textes poétiques sur les jardins, réunis par Isabelle Ebert-Cau (Ed Omnibus). Pour ceux qui, comme moi-même, sont aussi amoureux des mots que des jardins…
Une TRES belle journée avec cette exposition colorée et passionnante. Un grand merci à l’équipe du Château de Bouges qui m’a si gentiment accueillie.
Vous pouvez également visionner cette courte vidéo que j’ai réalisé sur place pour l’occasion.
Pour en savoir plus sur l’histoire du château de Bouges: lien vers le site du château.
Par ailleurs, voici un lien vers la chaine YouTube de Laetitia Miéral dans lequel elle nous raconte comment le manuscrit et le château médiéval qu’elle a créés pour l’exposition ont été faits… Il est fort probable que vous tombiez immédiatement sous le charme de cette délicieuse artiste et de son univers enchanteur!…
« A l’aube du XXème siècle, sur les landes sauvages du Lévézou, naît un artiste. (Eugène Viala). Il sera maudit et méconnu, et pourtant, il porte en lui les signes du génie » (Chantal Lalle, Le cri du silence)
triptyque d’Eugéne Viala exposé au musée Denis Puech de Rodez
Depuis quelques années, je fais des séjours de plus en plus fréquents dans un petit village de l’Aveyron, entre les raspes du Tarn et le plateau du Lévézou. Lors de mes grandes marches solitaires, je rencontre souvent de vieux arbres étranges et fascinants, hêtres chênes ou châtaigniers, aux branches figées dans des gestes bizarres et à l’allure parfois tourmentée, et j’adore essayer de traduire dans mes dessins leurs attitudes parfois si proches des nôtres…Nous sommes nombreux à avoir des tendances anthropomorphistes (trouver des apparences et des attitudes humaines dans toutes sortes de choses (arbres, nuages, pierres…)…
Il y a quelques jours, j’ai découvert un peu par hasard, qu’il y avait un « musée Eugène Viala » dans le village de Salles-Curan. Par curiosité, j’ai fait quelques recherches sur Internet, pour voir ce que je trouvais sur l’œuvre de cet artiste, que je ne connaissais pas encore. J’ai tout de suite été frappée par sa manière de dessiner les arbres, de leur donner une âme… Dans les peinture d’Eugène Viala, les arbres ont des gestes humains, très expressifs et ils ressemblent tellement à ceux que je vois partout, ici, dans les bois environnants. J’ai immédiatement eu envie d’en savoir plus sur cet artiste qui semblait avoir sur les arbres les mêmes yeux que moi!…
Eaux-fortes
Eaux fortes d’Eugène Viala… souvent sans titre.
J’ai donc commencé par visiter le musée Eugène Viala, situé dans son village natal de Salles-Curan. Dans ce petit musée, animé par une équipe de bénévoles passionnés et très motivés,( l’association « Les amis d’Eugène Viala et du Lévézou ») j’ai pu découvrir tous les aspects de l’œuvre passionnante (et foisonnante) d’Eugène Viala. En Aveyron, son œuvre est connue et appréciée à sa juste valeur. Mais hors de ces limites départementales, il reste un illustre inconnu, ce qui est une profonde injustice. Il a pourtant laissé une œuvre (de graveur surtout), qui, par sa qualité d’exécution, les richesses de ses thèmes et ses aspects fantastiques et visionnaires, par ses questionnements, par ses dénonciations, un peu plus d’un siècle après, reste étonnamment vivante et actuelle.
Courte biographie:
Eugène Viala est né à Salles-Curan le 8 Septembre 1859. Dès son plus jeune âge, il est réfractaire à toute discipline, mais c’est un enfant et un adolescent sensible. « Très tôt, il aime la nature qui est le cadre de ses premières émotions. Le génie de l’artiste prend sa source dans cet amour de la nature qu’il vénèrera toujours dans toute son œuvre. Après quelques années au Lycée de Rodez, il suit les cours de l’école des beaux-arts de Montpellier, puis à l’académie Jullian de Paris où il vit de 1881 à 1888. Curieux, lisant beaucoup, il commence très jeune à s’adonner à sa passion: le dessin et la peinture, exercices qui le libèrent des contraintes existentielles. Devenu adulte, il travaille sans relâche et fait de fréquents séjours sur son Lévézou natal qu’il affectionne et qui l’inspire. Il épouse en 1888 une jeune fille née à Saint Geniez d’Olt (Berthe), avec laquelle il revient vivre dans sa région natale et aura quatre enfants. L’artiste doit donc subvenir aux besoins d’une famille nombreuse tout en poursuivant une quête artistique exigeante. Un moment, il s’essaie à la photographie et s’installe à Rodez, mais l’artiste peine à joindre les deux bouts et doit souvent se résoudre à des besognes parfois bien modestes (illustrer des calendriers, des menus, des cartes d’invitation…). Artiste de province, Eugène Viala ne sait pas entretenir les réseaux d’amis et d’obligés qui peuvent rendre des services et donner un coup de pouce à une carrière. L’orgueil et un goût prononcé pour la solitude l’en empêchent. Sur le tard, il a cependant la chance de rencontrer son Pygmalion en la personne d’un riche industriel, Maurice Fenaille qui le prend sous sa protection et l’introduit dans les milieux de la haute bourgeoisie industrielle, où l’artiste aveyronnais obtient quelques belles commandes. Une nouvelle ère semble s’ouvrir pour Viala, qui travaille plus que jamais. En 1908/1909, il fonde un journal satirique bi-mensuel dont il est le rédacteur en chef (Le cri de la Terre) et qui traite par la plume et le dessin, de toutes les actualités littéraires, historiques, artistiques et scientifiques du Rouergue. L’artiste est particulièrement critique à l’égard du progrès technique qu’il lie à l’essor d’un capitalisme exploiteur; il s’insurge contre l’abattage des essences locales d’arbres, remplacées par des conifères, et écrit quelques charges virulentes contre la bourgeoisie et les hommes politiques. Victime d’un grave accident à Paris, en descendant d’un tramway, il rentre chez lui et décède après plusieurs mois de souffrance, le 5 mars 1913 dans un appartement situé dans une aile du château de Salles-Curan.
Toute sa vie, Eugène Viala a aimé plus que tout, plus que l’art peut-être, sa liberté. Sa liberté de mouvement, qui lui permettait d’arpenter à pied et en tous sens le Lévézou, une région qu’il voyait déjà, en 1888, dans son livre « A travers le vieux Rouergue », comme « le pays de l’air, pays de l’eau et des bois; pays de la liberté ». Viala a sans doute payé de son isolement et de graves difficultés financières, le choix d’une vie indépendante de création, de pensée et de parole.
L’artiste:
Coup de cœur immédiat!… Ses sources d’inspiration, le choix de ses thèmes (amour de son pays, fascination pour les vastes étendues sauvages, ),sa sensibilité, son amour pour la nature, son goût pour la solitude et le silence, sa perception très similaire à la mienne de la beauté sauvage de son pays natal, sa vision de la société et de la nature humaine, son inquiétude face au développement de la technologie, son besoin de liberté, ses angoisses existentielles … Et pour moi, cette impression immédiate de découvrir une âme sœur artistique… . Ses sentiments transparaissent dans toutes ses créations, et font étrangement écho à mon propre ressenti.
L’oeuvre d’Eugène Viala
A la fois peintre, poète et graveur, c’est surtout dans la technique de l’eau-forte qu’Eugène Viala excelle, offrant les visions les plus singulières.
Eugène Viala crée plus de 500 planches, représentant principalement des paysages de sa région natale, le Rouergue. Mais Il y dépeint également des scènes sombres et mystérieuses, où la nature se fait parfois hostile et fantastique. Il y fait apparaître des arbres torturés, des rochers menaçants, des animaux étranges, des ruines hantées. Son style est tout imprégné de fantastique. Gnomes, sorcières et personnages monstrueux aux traits déformés, aux corps boursouflés, aux membres atrophiés, peuplent les fonds des forêts, traversent les airs sur des chevaux ailés, courent à travers les champs. C’est un « visionnaire halluciné, un graveur de la nuit et du crépuscule ». Le thème de la mort et de l’usure du temps est permanent dans l’œuvre de Viala. Mais pour lui, la mort n’est pas dramatique. Elle est naturelle, inéluctable. Elle est communion éternelle avec la nature, puisque nous retournons à la terre. L’enveloppe corporelle disparait; reste l’œuvre, immortelle, et sa survie dans la pensée et le cœur de ceux qui nous succèdent.
Pour Viala, « la nature est la première victime de la bêtise humaine et du progrès destructeur ». Déjà, en cette fin de XIX ème siècle, le mirage des villes a éloigné les hommes des campagnes et des traditions nées de la terre. Tournés vers les facilités d’un confort naissant, ils se sont laissé séduire par un progrès dans lequel l’artiste visionnaire ne voit déjà qu’un piège envoûtant. La ville moderne n’est plus qu’un lieu concentrationnaire voué au profit. Pour Viala, le progrès est facteur de corruption et de destruction. Par les artifices qu’il multiplie, il éloigne l’homme des traditions qui sont nécessaires à l’ordre moral et sape les bases sur lesquelles reposaient depuis toujours les relations humaines. Aux valeurs morales succèdent les valeurs marchandes!… Une eau-forte étonnante intitulée « La tour d’ivoire » juxtapose au paisible hameau une imposante tour, symbole de l’orgueil humain et de ses folles ambitions.. Pour l’artiste, c’est la naissance d’un monde arrogant, cruel et écrasant.
Ne dirait-on pas le décors d’un film de science-fiction contemporain?
A ce monde en dérive générant une nouvelle race d’esclaves, l’auteur oppose les humains qui l’entourent et qui restent, comme lui, profondément enracinés dans leur Lévézou natal. La nature est le bien le plus précieux qui ait été donné à l’homme. Pour Eugène Viala, c’est en effet « dans un contact des gestes de la Terre que s’apaisent les désillusions et que se révèle la sagesse ». A travers toute son œuvre, comme une constante, il cherche en permanence dans la nature une réponse et un apaisement, une réconciliation avec lui-même, mais également avec la vie et une société dans laquelle il se sent fort mal à son aise. Déçu par le comportement des hommes (j’ai du mal à imaginer ce qu’il penserait aujourd’hui de notre société contemporaine…), il se tourne vers la nature, dans laquelle il trouve sa raison d’être et son réconfort.
Et tellement d’autres affinités troublantes…
J’ai choisi de vous faire partager cet extrait du livre de Chantal Lalle, que je trouve sublime, sur le Lévézou et sur ces paysages qui ont été une source d’inspiration si riche et si constante pour Eugène Viala:
« Entrer dans l’œuvre de Viala, c’est traverser un pays sauvage battu par les vents, modelé de millénaire en millénaire par les caprices du vent et du soleil. Il faut imaginer la lente transformation des forêts de hêtres en pâturages sous l’effort laborieux et têtu d’hommes libres, fiers d’être issus de cette terre simple. Terre de lumière, de toutes les lumières, aux mille odeurs, aux milles couleurs. « Terres sans légendes », simplement belles et belles simplement, offertes aux regards de ceux que le progrès n’a pas encore aveuglés, terres pauvres où poussent les bruyères floconneuses qui caressent les pierres meurtries par le martellement des troupeaux de brebis. »
« Eugène Viala a trouvé dans la nature tout ce dont il avait besoin pour exister. Son intuition d’écorché vif l’amène à communier avec les éléments avec une telle force que leurs identités se confondent. Ainsi pouvons-nous être frappés par la place que tiennent les arbres dans son œuvre graphique. Comment ne pas être saisi par ces squelettes qui lèvent vers le ciel leurs longs bras décharnés en une prière muette et frémissante de douleur? On pourrait sans effort y superposer la maigre silhouette noire de Viala, si souvent croisée sur les landes du Lévézou, puisant jusqu’à l’ivresse dans l’infini des cieux les forces qui lui permettront de supporter le spectacle de la folie humaine. Cet arbre brisé, n’est-ce pas Eugène peint par lui-même? «
« Pour Viala l’anticlérical la nature est l’étape par laquelle l’humain accède au divin. Elle est le seul temple propice au repliement sur soi nécessaire à tout recueillement, et le lieu de toutes les communions possibles. Paradoxalement, c’est dans la solitude qu’il est le plus présent au monde, car lire dans le grand livre de la nature ne peut se faire dans le tumulte. La solitude au cœur d’une nature refuge est salutaire. Mais personne ne vient plus lire les vérités éternelles qu’elle recèle. Face aux folies du temps, elle est le seul lieu, le seul lien, qui pourrait ramener l’homme à la raison. Condition absurde de l’homme à la dérive et inconscient de son naufrage, condition absurde du poète conscient de ce naufrage et ne pouvant l’éviter. C’est bien en ce sens que les paysages de Viala sont un « cri de la Terre »! »
Viala l’écrivain:
Eugène Viala a des talents multiples et parallèlement à la peinture et la gravure, il publie plusieurs ouvrages poétiques. Paysages, un recueil constitué de poèmes en prose, dans lequel il évoque ses longues marches à travers la nature du Rouergue, et dans lequel il veut rendre par les mots, les émotions que le peintre fixe sur la toile par la couleur.
Il publie également un recueil rédigé en vers, Loin des foules, ainsi qu‘un roman intitulé La traversée du Rouergue. « Plus douce que son œuvre gravée, sa poésie est émouvante et révèle un aspect plus secret du tempérament de l’artiste: au delà d’apparences provocatrices et belliqueuses se cache un être à la sensibilité exacerbée, souvent désespéré par les spectacles de son temps. On y décèle une fragilité, une tendresse qu’il s’efforce parfois de cacher pour préserver l’image de marginal révolté qui lui permet de tenir à distance les importuns. »
« Nous irons sous les branches rose,
Mêler notre âme au chant des choses« …
Eugène Viala laisse derrière lui une œuvre originale et puissante, qui témoigne d’une vision personnelle et tourmentée du monde.
Quelques années après sa mort, Jean Moulin alors préfet de l’Aveyron, découvre les œuvres d’Eugène Viala. Féru d’art, fin connaisseur de peinture et lui même peintre, Jean Moulin est fasciné par le talent de l’artiste rouergat. Il organise une exposition rétrospective pour faire redécouvrir son œuvre en 1938. Il a alors même le projet d’écrire une biographie d’Eugène Viala. Mais la guerre aura raison de ce projet littéraire de Jean Moulin qui meurt, en juillet 1943, des suites des tortures infligées par la gestapo.
Aujourd’hui, l’association des « Amis d’Eugène Viala et du Lévézou » contribue à préserver et à faire connaître l’œuvre de l’artiste par le biais d’expositions et de conférences. L’ œuvre d’Eugène Viala est conservée dans plusieurs musées français et étrangers, comme le Musée Eugène Viala de Salles-Curan, que je viens d’évoquer, mais aussi le Musée Denys-Puech de Rodez, ainsi que le Musée Paul-Dupuy de Toulouse ou les Fine Arts Museums of San Francisco.
Quant à moi, lorsque je marche sur les chemins de crêtes, vers la tour de Peyrebrune, à travers les pâturages , dans les sous-bois ou près des petits ruisseaux du Lévézou, j’ose à peine vous le dire, mais il m’arrive de temps en temps d’apercevoir au loin la silhouette sombre d’Eugène Viala marchant à travers la lande, ou assis sur une pierre, adossé à une croix, à la croisée de deux chemins… J’ai l’impression qu’il m’observe ou me fait un signe imperceptible, et bienveillant… Parfois encore, il marche à mes côtés… C’est un peu comme si nous nous comprenions, au delà du temps… Comme s’il avait su capter cette petite étincelle dans le regard de la promeneuse contemplative que je suis. Comme s’il avait à cœur de me faire partager ses endroits préférés et me prenait par la main pour m’entrainer dans ses pas. Comme s’il comprenait mes colères vis à vis d’une société que je ne comprends plus moi non plus. Et je comprends maintenant qu’il est venu à ma rencontre pour m’encourager à sa manière dans ma mission artistique… Celle qui consiste à continuer de toutes mes forces à honorer la beauté de la nature…
Dans un de ses poèmes sur le Lévézou, il a écrit ceci:
... »Et quand d’autres viendront parmi cette nature,
Aimer ces mêmes cieux, cueillir ces mêmes fleurs,
Devant cette même ombre, en quelque nuit future,
Où j’ai laissé mon rêve ils reprendront les leurs ». (Eugène Viala, Loin des foules, 1897)
… Ces mots m’étaient-ils destinés ? Qui sait?…
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Bibliographie:
Très intéressée par ma découverte d’Eugène Viala, et spontanément touchée par le personnage et l’artiste qu’il a été, je me suis procuré le livre » Eugène Viala, le cri du silence » écrit par Chantal Lalle en 1997 (qu’on peut encore trouver sur les sites des bouquinistes). J’ai adoré ce livre, écrit dans un style très poétique, j’ai trouvé la sensibilité artistique de Chantal Lalle à l’œuvre d’Eugène Viala très similaire à la mienne… Mais tellement bien exprimée!… Je me suis donc beaucoup inspirée de cet excellent livre pour écrire cet article.
-Paysages (Eugene Viala).
-« Loin des foules (Eugene Viala)
Enfin, je viens de poster sur YouTube un très court hommage à Eugène Viala.
Mon goût prononcé pour les écrits et les idées de Sylvain Tesson, mon intérêt pour la culture et les paysages celtiques et ma conviction de plus en plus grande que seul l’émerveillement devant la beauté de la Nature peut encore( peut-être…) nous sauver… Toutes ces raisons m’ont tout naturellement amenée à lire le dernier livre de Sylvain Tesson: « Avec les fées ». Que voulez-vous: je suis une fan absolue des tournures d’esprit et du style de ce Monsieur…
Fatigué de notre « monde de machines et de banquiers » (vous savez combien je partage ce sentiment!), Sylvain Tesson décide cette fois de partir à la recherche des « fées ». Il nous propose de le suivre dans un voyage le long des côtes atlantiques parfois à pieds, parfois par la mer, sur le voilier d’un ami, depuis la Galice jusqu’au Nord de l’Écosse, en passant par la Bretagne, les Cornouailles du Pays de Galles, l’île de Man, et l’Irlande…
Lorsqu’il parle de fée, il ne parle pas de « fille-libellule qui virevolte en tutu au dessus des fontaines ». Non. Pour lui, « le mot fée signifie tout autre chose. C’est une qualité du réel révélée par une disposition du regard. Il y a une façon d’attraper le monde et d’y déceler le miracle ».[…] « Lorsqu’on regarde le monde avec déférence, elles apparaissent. Soudain un signal. La beauté d’une forme éclate. Je donne le nom de fées à ce jaillissement ».
Je suis immédiatement touchée par ses tournures de phrases, en résonance parfaite avec mes propres états d’âme, lorsque je marche en solitaire, en forêt, ou sur les sentiers côtiers… Nous sommes à peine à la dixième ligne du livre et j’ai déjà l’impression de marcher à ses côtés sur les rochers, face à la mer, l’horizon, le ciel… Et je me délecte déjà d’avoir le privilège de pouvoir partager la finesse et l’intelligence de ses réflexions manuscrites, jetées sur son carnet, tout au long de ce voyage le long de l’arc celtique.
Extraits choisis:
-« S’arrêter et regarder la mer: première leçon d’un bréviaire du romantisme ».
-« Devant, la mer. Le ciel s’y fond. Les hommes appellent « horizon » cette sublimation. »
-« En Bretagne, le paysage est une ivresse ».
-« Le vent devait avoir un projet.Il ne se calma pas. Tout s’enivrait: les mouettes, les fous, les vagues,les embruns. Seule la terre tenait bon. Le vent est la joie de vivre de la mer ».
-« Les vagues se succédaient en rangs volontaires. L’univers est un rythme. La mer n’est jamais lasse. La terre se retient. Il y a la mer imperturbable, la terre imprenable, le mouvement perpétuel, le ciel impassible et l’homme parfaitement égaré ».
-« je rêvais beaucoup. Pourquoi les fées de mon enfance avaient-elles brûlé? La technique s’était emparée du monde, les masses s’accroissaient, le commerce menait la danse. Partout, bruit, raison, calcul, fureur. Les fées avaient reculé devant cette conjuration. Elles s’étaient repliées dans le silence ».
Comme dans tous les livres de Sylvain Tesson, la beauté de la nature est un sujet central, mais il amène presque toujours à une réflexion plus large sur certains sujets de société. Ici, il aborde notamment la disparition d’un certain sens du sacré dans nos sociétés occidentales contemporaines et m’a fait indirectement réfléchir sur le reniement actuel, de plus en plus radical, des mythes fondateurs de notre pays.
-« Partout en Europe, le révolution industrielle annonçait l’abolition de l’homme. Des cœurs purs entrevoyaient ce que le progrès leur ferait perdre. Déjà la modernité donnait sa forme au monde. Hideuse. La pollution, ombre du progrès, s’infiltrait dans les cœurs […] Le peuple irlandais s’aperçut qu’il détenait une origine. Elle était glorieuse et noble, venue du ciel et de la mer. Les dieux et les marins s’étaient alliés pour inventer un peuple. On l’avait oublié. Le renouveau celtique servit à ranimer la flamme. […]L’Irlande est indépendante depuis plus d’un siècle. L’identité celtique est une sculpture taillée il y a deux cent cinquante ans par une troupe de poètes, de marins, de paysans qui ont lancé un appel dont l’écho s’amplifia. De la Galice à L’Écosse, sonnent aujourd’hui les cornemuses d’une idée très récente, enracinée dans une mythologie très lointaine. Les esprits rationnels y voient une affabulation doublée d’une imposture. Le sentiment d’une appartenance à un espace géo-spirituel rebute les âmes techniques. Certains historiens à la triste figure dénoncent l’artifice des imageries mentales celtiques. Ces moralisateurs aspirent à une histoire rationnelle. Qui peut sérieusement croire que l’histoire n’est pas un roman? Toute écriture n’est-elle pas réécriture? […] Après tout, le Gavroche de Paris pistolet de l’égalité au poing n’a pas plus de réalité que la reine blonde jouant de la harpe celtique au milieu des menhirs. Est-ce un crime de fixer dans le mythe l’origine d’un peuple? »
-« Nous savions que le renouveau celtique procédait de la propagande. Pis! d’une ferblanterie politico-romantique. Nous n’en aimions pas moins les récits de navigations magiques et d’îles suspendues. Les images enluminent le réel.La vie chatoie, blasonnée de symboles. »
-« L’absence d’un mythe était notre malheur tricolore, à nous qui avions tué le mystère. Nous, nous continuerions à nous haïr les uns les autres. Au nom de l’égalité, les français s’étaient condamnés à ne pas connaître de vibration commune. Soulagés que rien ne nous soit supérieur, nous nous satisfaisons que tout nous soit semblable. Le soir, au pub, la télévision diffusa les obsèques de la reine.[…] Les funérailles d’Élisabeth durèrent des heures. La France découvrit ces anglais inclinés devant un roi qui s’inclinait devant Dieu. Ce fut la stupeur. Le français ne s’incline jamais. »
Et comme toujours, une conclusion à la fois simple et flamboyante:
-« La liberté était celle de regarder la monde éperdument, empli d’un amour pour toute chose qui défilait. Charge à nous de faire de la vie une forêt de Brocéliande bruissant du souvenir de nos proches défunts, de nos amis évaporés, de nos âmes sœurs, de nos mentors élus et de nos saints patrons. Et dans les lacets qui me ramenèrent à la baie du voilier, je décidai que j’avais trouvé le Graal. Ce qui se tenait là et pas ailleurs était le Graal. […] C’était à la fois la plus simple et la plus titanesque des conduites: adorer la présence.
« Le Graal apparaissait donc, pour peu que l’on décidât la quête achevée. Alors, tout se révélait. Et le monde suffisait. »
« Que cela soit comme cela veut ».
Une fois de plus: un très bon livre de Sylvain Tesson.
« Le piéton se réjouit toujours… Il est le seul vrai voyageur. Il savoure le sentiment gai et frais de la route. Il ne fait qu’un avec le paysage. Il sent les pulsations du vent et lit le langage des choses. Ses sens envoient d’incessants messages à son esprit. Le vent, le gel, la pluie, la chaleur, la forêt signifient quelque chose pour lui. Il participe au panorama de la Nature. Il n’est pas seulement son spectateur. Il fait l’expérience sensible de la campagne qu’il traverse -il la goûte, il la sent, l’absorbe, alors que le voyageur dans sa belle voiture ne fait que la voir. » (John Burroughs).
John Burroughs est l’un des écrivains-naturalistes les plus connus aux Etats-Unis. Né en 1837 dans le village de Roxbury, il est le seul de sa famille à être attiré par l’étude. A dix sept ans à peine, il devient instituteur dans un petit village et, n’ayant pas les moyens de payer des études supérieures, il fréquente assidument les librairies et les bibliothèques, et commence par écrire des articles dans la presse locale. Il exerce son métier d’instituteur pendant dix ans, tout en s’intéressant à la nature environnante et en revenant de temps à autres, travailler sur les terres familiales. Il est donc tout naturellement influencé par la philosophie de Ralph Aldo Emerson.
Après ses dix ans dans l’enseignement, il quitte la campagne pour s’installer avec son épouse à Washington, où il trouve un emploi de bureau et se mêle à une communauté de bohèmes littéraires, parmi lesquels il rencontre Walt Whitman, qui l’encourage dans la voie des « écrits de nature ». John Burroughs loue un lopin de terre tout près du capitole, y élève des poules et y fait paître une vache qu’il a fait venir par bateau sur le fleuve Potomac.
En 1867, c’est à Walt Whitman qu’il consacre son premier livre. En 1871, il publie un recueil d’articles principalement consacré aux oiseaux et à partir duquel il utilisera désormais un style d’écriture à la composition très libre entrelaçant nature, littérature et sciences naturelles.
En 1873, Il quitte Washington et retourne dans son village natal où il achète quelques hectares de vignes et construit une maison en lisière de forêt. Il se consacre alors à sa vie d’écrivain-fermier-penseur-naturaliste, une forme d’activité qui lui vaudra alors une grande popularité.
« Je me dois de louer la vie simple, car c’est celle que j’ai vécu et que j’ai trouvée bonne. Dès que je m’en écarte, de funestes conséquences s’ensuivent. Il me plait d’habiter une petite maison, de me vêtir et de vivre dans la simplicité […] Comme on se sent libre, comme on savoure les éléments, comme on les sent proches, comme ils épousent votre corps et votre âme![…] Être capable d’éprouver la suffisance des éléments universels; se griser d’air et d’eau; se rafraîchir d’une promenade matinale ou d’une balade nocturne; trouver plus satisfaisante une cueillette de baies sauvages que des fruits des tropiques offerts en cadeau; s’émouvoir à la vue des étoiles; exulter devant un nid d’oiseaux ou une fleur sauvage printanière -ce sont quelques unes des récompenses que procure une vie simple. »
Ces images féériques pleines de poésie m’ont happée et emmenée dans un univers onirique qui donne envie de se plonger dans le milieu naturel pour une communion magnifique avec les éléments… Sublime visions et chants féeriques!… Jona Jinton a également entièrement créé la chanson qui accompagne ces très belles images.
« « Il y a des êtres comme cela, insolents, désinvoltes, étrangers aux circonstances. La grotesque agitation de leurs semblables les ennuie au suprême. Ils savent le chant d’un oiseau ou le vers d’un poète plus importants que les affaires des hommes. A l’humanité empêtrée dans ses guerres, ils semblent dire: »un peu de silence, s’il vous plait! « . C’est vrai, quoi, dans ce monde, on n’entend plus le rossignol! » (Sylvain Tesson)
J’essaie généralement de rester à peu près neutre dans les thèmes et les sujets que j’aborde dans ce blog. Mon sujet, c’est l’émerveillement, la féerie, La beauté de la nature… Pas les sempiternelles polémiques qui agitent les médias…Parfois, il peut arriver que certains sujets m’irritent un peu et provoquent chez moi une envie d’exprimer quand même une opinion un peu plus vive, par exemple lorsque je constate l’inertie du genre humain face aux urgences écologiques. Mais aujourd’hui, j’éprouve le besoin d’exprimer mon exaspération sur un sujet qui ne devrait même pas en être un!… Quand on touche à mon auteur-poète préféré!…
J’aime les livres de Sylvain Tesson. Je les ai presque tous lus et, à chaque fois, ils ont réjoui mon âme. Je partage la plupart de ses idées sur la marche du monde, sur la nature humaine, ainsi que son amour de la nature et des grands espaces. Son regard de poète me fait du bien, j’aime son style, la finesse de son esprit, son humour; ses idées me ravissent et sa façon de traiter les sujets de ce monde me réconcilie un peu avec la nature humaine… Pour moi, il est de ceux qui parviennent à incarner cette magnifique injonction du poète Novalis: « Il faut s’efforcer d’habiter poétiquement le monde »…
La pétition dont vous avez certainement tous entendu parler dans les médias, signée par quelques « pseudo-écrivains et artistes » d’une certaine gauche pour protester contre le choix de Sylvain Tesson comme parrain de la prochaine édition du Printemps des poètes aurait pu me faire hurler de rire… (Leurs arguments sont tellement ridicules)… Mais une fois de plus, c’est la « cancel culture » qui a encore frappé! Pour se résumer, cette tribune (rédigée en écriture inclusive, tout ce que je déteste!), qui se croit intelligente, est surtout particulièrement navrante…
Résultat: Comme des milliers de lecteurs assidus de Sylvain Tesson, je viens de commander son dernier livre « Avec les fées ».
Le livre a été classé meilleure vente de la semaine dès sa sortie en librairies… (Tellement bien fait pour les rageux !!!…)
Je sais déjà que je vais adorer le lire. Et j’écrirai ici même très bientôt un article pour vous en parler…