
« La Baie de Somme, humide encore, mire sombrement un ciel égyptien framboise, turquoise et cendre verte. La mer est partie si loin quelle ne reviendra peut-être jamais » (Colette)
La Baie de Somme, c’est une « impression de bout du monde, falaises, sables, dunes, galets, mollières et marais se succèdent et se complètent pour composer un paysage unique. Ici le ciel et la mer se confondent. Les lumières changent à chaque instant ». Les couleurs aussi. De Degas à Corot, de Jules Verne à Colette… De nombreux artistes ont été inspirés par ces terres…
Voici ce que j’ai personnellement le plus aimé de ce séjour en Baie de Somme, et un peu au delà…


La Baie de Somme et la Baie d’Authie, côté Nature…
« Estuaire de la Somme, pays du miroitement et de la brume,
où les linéaments de la terre à vau-l’eau se réduisent dans le paysage à
quelques pures et minces lignes horizontales, mangées par les reflets de lumière,
et dont la légèreté irréelle fait songer à un lavis chinois. » (Julien Gracq- Carnets du grand chemin, 1992)
Ma plus belle émotion: L’observation des phoques
Les colonies de phoques sont bien présentes, dans la baie de Somme, plus précisément à la pointe du Hourdel et surtout en Baie d’Authie, tout au bout de la digue de Berck-Plage. C’est là que j’ai pu vraiment le mieux les observer.

A cet endroit, les phoques semblent avoir trouvé l’endroit idéal pour se reposer, car un chenal assez profond, aux eaux turbulentes, même à marée basse, dissuade les humains de trop s’approcher. (s’ils approchaient, la profondeur du chenal permettrait aux phoques de plonger pour s’enfuir). Mais de là, on les voit parfaitement bien sans les déranger et, comble de l’ironie, on se demande clairement si ce n’est pas eux qui nous observent avec curiosité… Les regards s’échangent entre eux et nous, et cela éveille chez les observateurs un sentiment de tendresse palpable.

Des bouilles absolument craquantes!…

Rencontre émouvante
Les gens s’émerveillent, leurs yeux brillent; ils sourient, certains essaient maladroitement d’attirer l’attention des veaux marins en imitant leurs cris ou en gesticulant, d’autres restent là, fascinés, silencieux… Et j’ai eu l’impression que cela faisait émerger chez eux une espèce de conscience que ces instants de proximité avec les phoques, et donc avec une nature fragile et menacée, sont de plus en plus rares, et donc infiniment précieux… Alors les gens prennent le temps de s’ imprégner de cette magie, comme je l’ai fait moi-même… Pendant plusieurs heures…

Lorsque la marée remonte, pour rester hors de l’eau et profiter le plus longtemps possible de leur repos, les phoques redressent la tête et les nageoires postérieures, adoptant cette posture si amusante dite de la « banane ».
Les oiseaux et les marais de Longpré-les-Corps-Saints

On observe ici des quantités d’oiseaux de toutes sortes. Tadornes de Belon, grands cormorans, sternes, aigrettes, foulques macroules, cygnes et canards sauvages… Tous les matins, j’avais tant de plaisir à les voir traverser le ciel depuis la fenêtre de ma chambre. Mais la Baie de Somme est aussi une région de chasse intense. Tous les jours, le silence était ponctué de coups de fusils. J’avais de la peine pour les pauvres canards sauvages qui passaient par là, sur le chemin de leur migration… Heureusement qu’il existe quelques réserves ornithologiques dans la région (Parc de Marquenterre ou du Grand Laviers). Et lorsque je voyais des oiseaux partir en formation vers le Sud, j’en avais les larmes aux yeux. Je ne pouvais m’empêcher de leur adresser de vibrants vœux de bonne route; mon cœur se serrait en imaginant le nombre de fusils auxquels il leur faudrait échapper pour traverser une France blindée de chasseurs très motivés!…


Péniche sur la Somme


J’ai passé de longs moments au cœur de ces marais avec ma palette d’aquarelle pour essayer d’en saisir les couleurs et les lumières.

Le château de Long (aussi appelé « Folie de Bussy », et sa serre classée (juste à côté des marais de Longpré-Les-Corps-Saints)

Bon, j’avoue… Le château est un peu branlant sur mon dessin… Mais c’est surtout la Serre qui m’a fascinée…
Selon la légende, ce château tient son nom ( « Folie de Bussy ») d’une malheureuse histoire d’amour entre Pierre de Bussy, fils du comte de Long qui a fait construire cette demeure, et Adelaïde, l’une des filles de Charles XV. L’amoureux éconduit se ruina dans l’aménagement et l’ornement de cette bâtisse magnifique dans l’espoir de la séduire… Je ne sais pas si l’histoire est vraie, mais avec ses briques roses et ses pierres blanches, son emplacement singulier sur les bords de Somme, son élégance, son toit à la Mansart, ses serres suspendues pleines de fleurs de toutes les couleurs, il faut reconnaitre que l’édifice a fort belle allure…
La Baie de Somme côté mer

Au sud de la Baie de Somme, Ault et sa vue magnifique depuis sa promenade panoramique:
Côté Nord, le Hâble d’ Ault et la très longue plage de galets d’Onival

Rêves en baie de somme (poème de Nathalie Laprévote)
—- Falaises d’opale —-
« De la mer vert d’opale à la lande glacée
Le rivage somnolant s’étale sous les galets
Les pierres roulent sous nos pieds confisquant l’équilibre
En regardant les flots on se sent pourtant libre.


Côté sud, les falaises d’albâtre et le bois de Cize...
Victor Hugo a arpenté la Baie de Somme et s’est arrêté, émerveillé, dans ce lieu atypique. L’office de tourisme a mis en place un parcours qui démarre sur le parking du Bois de Cise. Il permet de refaire le même parcours, dans les pas de l’écrivain. Dix panneaux pédagogiques, tout au long du chemin, reprennent des extraits d’une lettre de l’écrivain à son épouse Adèle Hugo datant de 1837 ainsi que des documents d’archives. Il est ainsi magique de découvrir les mots de Victor Hugo sur les paysages qu’on découvre soi-même. On a l’impression de partager la promenade avec lui. Il s’émerveille devant la muraille bleue (la mer) au bout de la Grande Rue, les falaises…










D’autres textes, écrits par d’autres écrivains et poètes ponctuent la promenade de Ault, face à la mer. Une belle idée de la ville d’Ault que cette promenade poétique sur la digue, face à une mer éblouissante…
Baie d’Authie:
Au nord de la Baie de Somme, à partir du Parc de Marquenterre, les galets font place au sable et aux dunes… jusqu’à la Baie d’Authie.










Côté patrimoine:
Dans l’arrière-pays: Le château de Regnière-L’Ecluse et son parc

Depuis près de mille ans dans la même famille (dont le dernier descendant réside toujours au château), le château de Regnière-Ecluse est une création néogothique imaginée au 19ème siècle par Herman comte d’Hinnisdal. Ce dernier fait entièrement remanier l’ancienne demeure du 16ème siècle dans le style « troubadour ». Il le fait agrandir et choisit de confier sa décoration aux frères Duthoit, « derniers imagiers du Moyen-âge », selon la formule de Viollet-le-Duc. Après quatre décennies de travaux auxquels il consacre une grande partie de sa fortune, le Comte d’Hinnisdal donne à l’endroit son aspect actuel, renouant avec la splendeur passée du Domaine de ses ancêtres.

Et c’est ce qui fait la force de l’histoire de cette demeure… Depuis l’an 1030, chaque génération a su transmettre la propriété sans jamais la vendre, jusqu’à sa descendance actuelle: les Nicolay. En 1960, lorsque l’actuel propriétaire et sa mère, décident d’habiter le château dont ils ont hérité, la bâtisse a été complètement vidée de son mobilier (les guerres et les différentes utilisations passées, notamment pendant un moment transformé en colonies de vacances). Le Comte a alors 20 ans, et il passera tout le reste de sa vie à redonner tout son faste au Château de Reignière-Ecluse. C’est une grande réussite, pleine de passion. Et être invitée à entrer dans cette demeure si particulière pour découvrir son intimité m’a sincèrement touchée.

Autour du château, le parc paysager à l’anglaise est libre d’accès et mérite vraiment qu’on s’y attarde…





Le parc, immense est ouvert sur la forêt de Crécy.
Les jardins de l’abbaye de Valloires

Situés au cœur de la vallée de l’Authie au pied d’une majestueuse abbaye cistercienne, les Jardins de Valloires sont l’œuvre du paysagiste Gilles Clément. Jardinier, voyageur, biologiste et écrivain, Gilles Clément est aussi un observateur attentif et infatigable de la nature à travers le monde. Pour lui, le jardin n’est pas un musée où la nature serait domestiquée et les végétaux présentés en collections botaniques, mais un lieu d’émerveillement, où l’organisation est avant tout esthétique. Ce qui compte, c’est le sens et l’harmonie des couleurs. Une démarche artistique, donc, qui éveille forcément beaucoup d’intérêt chez moi….



Gilles Clément a aussi voulu saluer ici le travail de Jean-Baptiste Lamarck, naturaliste et fondateur de la biologie en tant que science de la vie ou science des êtres vivants. Son œuvre fut méconnue du public, mal comprise par ses contemporains, dénigrée et déformée par ses adversaires. La visite de ces jardins permet aux visiteurs de découvrir ou de redécouvrir l’homme brillant qu’il fut, grâce à ses citations, reprises sur plusieurs panneaux disséminés dans les allées…Comme celle-ci: « Si l’on veut que la Terre survive, l’humanité doit être jardinière »… Un précurseur… Ou cette autre: « Pour la nature, le temps n’est rien et n’est jamais une difficulté; elle l’a toujours à sa disposition et c’est pour elle un moyen sans bornes avec lequel elle fait les plus grandes choses comme les moindres »…



Et puis la visite de l’abbaye cistercienne donne l’occasion de découvrir l’abbatiale au style baroque rocaille assez éblouissant.

Enfin, au-delà de tout cela, ce sont, comme souvent, les lumières et les couleurs de cette région qui m’ont le plus éblouie….







A ne pas rater, dès votre arrivée: La maison de la Baie de Somme. C’est un très bon point de départ de tout séjour en Baie de Somme. Dans ce lieu qui est bien plus qu’un simple musée, tout a été pensé pour que chacun puisse nourrir sa soif d’apprendre ! Les phoques de la baie (véritables attractions), mais aussi les activités traditionnelles ou encore les risques naturels… Toutes les facettes de la baie sont abordées. L’exploration se termine avec des témoignages de pêcheurs à pied, d’artistes, d’éleveurs, de chasseurs, de guides nature, de ramasseurs de galets, de mytiliculteurs… chacun peut y trouver des informations sur ses centres d’intérêt.
Mon lieu de séjour: La Pontonnière à Petit port (Saigneville). Une ravissante maison juste au bord de la Somme, pleine de charme et très confortable.

Autrefois, la Somme s’écoulait librement dans un lit de 3 kilomètres de large. Et c’est son cours changeant qui a façonné cette large Baie maritime qu’est la Baie de Somme. Au XIXème siècle, Napoléon 1er entreprit de dompter le fleuve un peu trop tumultueux en le canalisant pour permettre aux navires arrivant par la mer, de remonter jusqu’à Abbeville. La faible déclivité de la vallée de la Somme permit de ne pas avoir à créer d’écluses, mais obligea les ingénieurs du canal à créer des ponts tournants afin de leur permettre de passer. Chaque pont tournant était doté d’une maison qui hébergeait autrefois le pontonnier, la personne chargée d’actionner le pont tournant pour permettre l’avancée des bateaux.

Le pont tournant de Petit Port.
Je garde un très joli souvenir de cette maison, juste au bord de la Somme, et à proximité d’un étang plein de canards auxquels je rendais visite tous les jours…
🩵
J’aimeJ’aime