
Je viens de visiter cette très belle exposition qui se tient au château de Bouges, dans l’Indre, tout l’été et jusqu’au 3 novembre 2024. Elle nous conte de manière très poétique, l’histoire des jardins, du Moyen Âge à nos jours, à travers une série de créations artistiques et de réalisations vidéos. Une petite merveille!…
La traversée des jardins… L’exposition…
« Pour transformer la nature en jardin, il ne faut pas seulement être jardinier, mais aussi architecte, peintre et poète ».
L’exposition commence par le jardin médiéval. Au moyen âge, le jardin clos apparait d’abord dans les monastères. Dans les cloitres, les moines se font jardiniers et recréent le jardin d’Eden, tout en cultivant les plantes médicinales. Les romans chevaleresques et les récits imaginaires font des ces jardins clos des lieux merveilleux, aux arbres chargés de fruits et aux treilles fleuries… « Le roman de la Rose », commencé en 1220 par Guillaume de Lorris et achevé en 1280 par Jean de Meung, évoque un songe à travers lequel la quête de la Rose par le narrateur l’entraîne de lieux idéaux en jardins oniriques. Ainsi tout au long du moyen âge, le jardin est à la fois réel et imaginaire. Le sujet est illustré ici par une œuvre magistrale de Lætitia Miéral, artiste et magicienne du papier. Elle a créé pour ce thème un grand livre manuscrit enluminé d’où jaillit un château médiéval entouré d’un jardin de roses.
Le jardin de la Renaissance peuple ses allées de statues de marbre, de labyrinthes de verdure, de grottes, de nymphes et de fontaines jaillissantes. Les humanistes italiens du XVème siècle, qui souhaitaient retrouver l’idéal esthétique et intellectuel de l’antiquité, avaient une vision sublime du passé et rêvaient de faire triompher la lumière sur les siècles d’obscurantisme.
Le « Jardin renaissance« s’ouvre au monde. Dessiné et construit par des architectes-paysagistes, il est offert à la vue depuis les fenêtres des demeures. Il est avant tout géométrique, composé de parterres symétriques, de colonnes de marbre aux plantes grimpantes, de canaux, de bassins, de grottes artificielles ou de labyrinthes. Reprenant les thèmes fantaisistes de ces jardins, le « Carrousel » des artistes Piet sO et Peter Keene invite le regard à se perdre dans des décors miniatures animés de jeux de lumière pour reproduire la course du soleil dans le ciel.
Dans l’art des « jardins à la française« , le nombre et la variété extrême des jeux d’eau sont le symbole privilégié du merveilleux baroque. L’eau en mouvement s’écoule, bouillonne ou jaillit. Les eaux miroitantes qui s’étalent dans les parcs sont l’autre grande trouvaille des architectes des jardins baroques. Ces parterre d’eau renversent le monde, enchantent le regard tout en célébrant le génie de l’architecte-paysagiste tel qu’André Lenôtre (1613-1700, jardinier du roi Louis XIV, dont les perspectives semblant se fondre à l’infini ainsi que les aménagements hydrauliques complexes de Vaux-le-Vicomte ou Versailles sont copiés ou imités dans toute l’Europe.
Théâtre et illusion sont les thèmes majeurs de l’imaginaire baroque. Le « jardin baroque » est un décors de théâtre qui se déplace au jardin, notamment lors des grandes fêtes que Louis XIV organise. La plus fameuse est celle des plaisirs de l’île enchantée, consacrée au personnage d’Alcina, magicienne retenant captifs dans son jardin magique les chevaliers égarés. Cette fête de 1664, qui marque durablement les esprits, se termine dans la disparition du palais construit sur les eaux lors d’un éblouissant feu d’artifice. C’est ce type de spectacle grandiose, magnifiquement reconstitué, que l’on peut voir dans le film Vatel .
Un étonnant théâtre mécanique, créé par Sébastien Simon, évoque lui, la magie du jardin baroque, magie obtenue grâce à des reflets dans un miroir.
Cette période est aussi celle de l’apparition de « Jardins botaniques« , évoqués ici dans un décor inspiré des cabinets de curiosités.
Cette traversée des jardins se poursuit avec le jardin anglais du XVIIIe siècle. Contrairement à la rigueur du jardin à la française, dans le jardin anglais, les paysages sont composés comme des tableaux, mettant en valeur les arbres, les étangs, les rivières dans des sites jalonnés d’architectures et de ruines. Le jardin anglais invite à la rêverie. Volontairement irrégulier, il estompe la frontière entre nature sauvage et nature cultivée. Un série de petits tableaux en forme de luminaires illustre ce thème (création de Corinne Bernizet),
Le « jardin pittoresque » est évoqué par une projection de fascinants transparents du peintre et paysagiste Louis de Carmontel (1717-1806), projetées sur un drap blanc et défilants doucement en continu de droite à gauche… Seule devant ces images, j’ai vraiment eu l’impression d’évoluer dans ces décors du XVIII ème siècle, et de faire une promenade dans les jardins de l’époque, en compagnie de Jean-Jacques Rousseau, lui-même si friand de ses fameuses « promenades solitaires ».
Le tableau suivant évoque « Le jardin miniature« , très prisé par l’Angleterre victorienne C’est un peu l’ancêtre du terrarium moderne, recréé ici par Benoit Duvergé qui en fait un objet de rêverie..

C’est encore de l’Angleterre que viendra l’apparition du « jardin naturel », au XIXe siècle, riche de ses compositions florales aux couleurs variées, et à l’origine du « cottage garden ». Ce type de jardin devient la source d’inspiration de plusieurs peintres dont Claude Monet et son fameux jardin de Giverny. Ce thème est magnifiquement illustré dans l’exposition par une projection dans un miroir antique d’images superposées des jardins de Monnet à Giverny, avec des éléments naturels (fleurs, reflets dans l’eau…) L’effet est hypnotisant et nous plonge au milieu des tableaux du peintre et de leurs couleurs éclatantes…
Souvent lieu de souvenirs d’enfance, le jardin est aussi le cadre idéal de contes et légendes, où apparaissent fées ou magiciennes. Ce « jardin de l’enchantement » est évoqué ici par un décor floral (une création de Jardin d’Ombres) animé par des images vidéos poétiques.
Le « jardin secret » , inspiré d’un célèbre roman pour la jeunesse écrit par est évoqué par une création de Sébastien Simon.
En conclusion de l’exposition, avec la présentation d’un herbier lumineux imaginé par Colas Reydellet, il sera rappelé la fragilité du jardin et sa nécessaire préservation.
Enfin, qu’ils soient réels ou rêvés, cette exposition nous rappelle combien les jardins ont toujours été et seront toujours une source inépuisable d’inspiration pour les artistes…
Cette très poétique exposition sur l’histoire des jardins va être itinérante, mais elle se tient jusqu’au 3 novembre au château de Bouges (entre le sud de la Touraine et la campagne berrichonne). Et il faut dire que ce château est un bien bel écrin en harmonie parfaite avec le thème….
L’intérieur est un petit bijou, et les jardins sont juste magnifiques.
Derrière les communs et les écuries, qui abritent aujourd’hui une collection de voitures hippomobiles, on découvre un ravissant jardin de fleurs et ses serres du XIX ème siècle.
Autour du château, un jardin régulier à la française offre d’un côté des broderies de buis et côté Ouest, un bassin et un buffet d’eau se prolongeant en tapis de pelouse d’un vert tendre.
Mais c’est le jardin a l’anglaise qui m’a vraiment séduite…Il amène une dimension naturelle dans la composition du domaine et ajoute indéniablement au charme de l’ensemble. Et lorsqu’on sort de la visite d’une belle exposition sur les jardins, on est d’autant plus sensible à cette beauté-là.
L’entrée du Parc à l’anglaise est agrémentée par deux énormes tilleuls, impressionnants par leur taille et leur âge (Plus de 150 ans). Mais c’est leur parfum indescriptible qui m’a surtout complètement ensorcellée. J’ai eu la chance de les trouver en pleine floraison; je me suis donc assise sur l’un des bancs disposé là, juste en dessous, et je me suis littéralement « shootée » aux senteurs bienfaisantes du grand tilleul argenté en fleurs… Un moment inoubliable!…
Ensuite, de belles allées sinueuses partent à travers de grandes étendues de pelouses et d’herbes folles; les chemins font le tour d’un vaste étang aux eaux lisses, bordé d’arbres séculaires aux essences variées… Ginkos, Ormes, Chênes verts, tulipiers de Virginie, saules pleureurs, Sequoias géants, Liquidambars… Un paradis pour les amoureux des arbres.
L’intérieur du château mérite également la visite…
Quant à la petite boutique du château, je l’ai trouvé pleine de trésors et surtout riche de très beaux livres. J’ai bien-sûr eu très envie d’en apprendre davantage sur l’histoire des jardins.
Petite bibliographie trouvée sur place:
-« Tous les jardins du monde » de Gabrielle Van Zuylen. Une histoire des jardins sur tous les continents, aux éditions Gallimard (Découvertes). Superbe petit livre de poche richement illustré. Passionnant.
-« Herbier » de la collection l’oeil curieux, édité par la BNF avec de jolis dessins de botanique .
-« Le goût des fleurs » (Ed Mercure de France-poche). Un recueil de textes de grands auteurs sur le thème des fleurs.
-« Cabinet de curiosités-30 trésors de la Nature à dessiner » Ed Créapassions, de Agathe Haevermans. Un livre qui donne envie de dessiner des plumes,des coquillages, des légumes et autres merveilles naturelles.
-Le jardin en cent poèmes ». Textes poétiques sur les jardins, réunis par Isabelle Ebert-Cau (Ed Omnibus). Pour ceux qui, comme moi-même, sont aussi amoureux des mots que des jardins…
Une TRES belle journée avec cette exposition colorée et passionnante. Un grand merci à l’équipe du Château de Bouges qui m’a si gentiment accueillie.
Vous pouvez également visionner cette courte vidéo que j’ai réalisé sur place pour l’occasion.
Pour en savoir plus sur l’histoire du château de Bouges: lien vers le site du château.
https://www.chateau-bouges.fr/en/agenda/la-traversee-des-jardins
Par ailleurs, voici un lien vers la chaine YouTube de Laetitia Miéral dans lequel elle nous raconte comment le manuscrit et le château médiéval qu’elle a créés pour l’exposition ont été faits… Il est fort probable que vous tombiez immédiatement sous le charme de cette délicieuse artiste et de son univers enchanteur!…


























Abonnée au blog de Laétitia Miéral, artiste et magicienne du papier, et créatrice de « Merveilles en papier », je reçois régulièrement ses vlogs et c’est à chaque fois pour moi un véritable moment de délice et d’émerveillement. La suivre, l’écouter me parler de ses découvertes, de ses créations, me fait beaucoup de bien, et ces moments qu’elle partage avec ses abonnés sont à chaque fois une source d’inspiration et un moment de plaisir délicat (ma madeleine de Proust à moi!…). J’ai reçu il y a quelques jours ce petit vlog intitulé « Finding confort and joy in creating », dans lequel elle explique, de manière très poétique, les bienfaits de la création artistique sur son état d’esprit, son humeur et sur son bien-être psychologique. Encore une fois, le film est en anglais, mais sincèrement, même en ne captant que partiellement ce qu’elle dit, vous n’aurez pas de mal à comprendre le propos; et de plus, la vidéo est esthétiquement très réussie..

