Selon Wikipédia, le pyrénéisme est un « mouvement sportif, artistique et littéraire qui consiste à parcourir les Pyrénées pour en réaliser une œuvre en rapport avec l’expérience ressentie ». J’ai immédiatement compris que cela avait quelque chose à voir avec ma manière de visiter les sites emblématiques des pyrénées lors de mon séjour dans cette région.
Pour l’histoire… Le pyrénéisme naît au XVIIIe siècle pour connaître son apogée au XIXe siècle. Il se développe parallèlement au mouvement romantique en Europe et au tourisme thermal en France, qui amène beaucoup d’artistes (entre autres…) à séjourner dans les Pyrénées.
Le terme « pyrénéisme » est inventé par l’écrivain Henri Béraldi en 1898 dans son ouvrage « Cent ans aux Pyrénées », un livre en sept tomes qu’il écrit entre 1898 et 1904, et qui expose l’histoire de la découverte « pittoresque » des Pyrénées. Le « pittoresque »… Tout ce que j’aime… Cette œuvre considérable présente tous ceux qui, écrivains ou non, ont aimé et « écrit » les Pyrénées. Pour Béraldi , le Pyrénéisme est un mouvement, une philosophie de vie qui se traduit en trois mots: Ascensionner, sentir, écrire… En d’autres termes, il s’agit de partir à la rencontre des sommets, savoir aimer et apprécier leur beauté, et écouter les émotions qu’ils suscitent en nous pour les retranscrire dans nos écrits (ou plus généralement dans nos créations artistiques…). Dans un style alerte, parfois caustique, fourmillant d’éclairantes citations, il bâtit une véritable épopée qui, cent ans plus tard, reste irremplaçable et inégalée sur toute cette région pyrénéenne.
Alors si l’on comprend bien le terme, je considère que ce mois de Juin a été consacré pour moi à cette noble et enthousiasmante pratique du Pyrénéisme!… Bien-sûr, je suis consciente que mes excursions confortables n’ont rien à voir avec les aventures époustouflantes qu’ont vécu ces aventuriers exaltés des siècles passés. Évidemment, ils n’avaient pas les télécabines, télésièges et autres petits trains qu’on connait aujourd’hui… L’aventure n’est plus la même!… Mais j’ai quand même réussi à m’organiser des moments de randonnées solitaires dans les cirques verdoyants et autour des cols majestueux, dont j’ai pu ressentir la beauté encore bien sauvage…
Coup de coeur, bien-sûr… pour Les lacs d’altitude et leurs incroyables couleurs… sublimes…

Dès le début, voir les lacs d’altitude a été à l’origine de mon envie de venir dans les Pyrennées. J’avais vu de magnifiques photos et je voulais découvrir ces sites à la beauté sauvage encore bien préservée. Je n’ai pas été déçue. Côté couleurs, c’est de la beauté à l’état pur. Et les reflets changent à chaque instant. Un spectacle dont je ne me suis pas lassée…

Lac d’Artouste






Lac des Ayres
Bien-sûr, j’ai adoré m’asseoir dans ces paysages et tenter de les « interpréter », à ma façon… En digne pyrénéiste!…




Je voulais bien-sûr évoquer les magnifiques cirques de Gavarnie, bien-sûr, le plus connu (trop fréquenté à mon goût), mais surtout le cirque de Troumouse, que je trouve plus agréable, plus verdoyant et doté en son cœur du lac des Ayres, au charme inoubliable. Et puis le lac d’Estaubé, dans le cirque du même nom, qui n’est pas naturel, puisque qu’ un barrage en retient les eaux, mais dont la couleur d’un bleu émeraude clair est saisissante.



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Autre source d’inspiration: Le pastoralisme estival.
En ce mois de Juin, les troupeaux sont partout; dans les champs, sur le flanc des montagnes, au creux des cirques, autour des lacs et sur les plateaux d’altitude. Presque tous le jours, j’ai suivi des troupeaux que les éleveurs emmenaient en estive par les petites routes des cols. Cette rencontre me procure à chaque fois une joie profonde. C’est une présence toujours réjouissante et très gaie!…
Ils sont aussi curieux que moi… Aussi désireux de faire connaissance…







J’adore m’arrêter et passer un moment avec les chevaux, les vaches, les moutons, les ânes… Et même avec deux sympathiques cochons qui traînent toujours dans le même virage, tout près du col du Soulor, sur la route qui surplombe le cirque du Litor.

Toi et moi pour la vie…
Je leur parle… Ou pas, d’ailleurs!… Nous nous regardons beaucoup… Des pancartes alertent les randonneurs sur le fait qu’il est recommandé de ne pas s’approcher des animaux en estive. Mais c’est eux qui s’approchent des gens, guidés par leur curiosité naturelle… J’aime leur mutisme apaisant, et la lumière qu’ils ont dans leur regard avec lequel ils savent si bien exprimer leurs sentiments: la curiosité, la gourmandise, la prudence et la crainte, aussi, parfois… Moi je sais qu’une âme habite l’animal qui est en face de moi. A moi de faire en sorte que nos échanges soient doux et pleins d’amour…


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Dans mes recherches passionnantes sur le pyrénéisme, j’ai découvert l’écrivain et poète Alfred Tonnellé, appelé par certains « le météore », tant sa vie fut brève et intense. Il m’arrive de vivre de véritables moments de communion avec des êtres du passé, de me sentir en harmonie avec leurs pensées, leurs sentiments, leur vision des choses… C’est le cas ici…Alfred Tonnéllé a écrit un livre lumineux qui m’a touché par sa poésie et sa maturité.
Extraits:
–« Je m’attarde et m’assieds seul au bas du sommet[…]; il faut un peu de solitude et de recueillement pour se pénétrer du sentiment d’élévation et de paix sublime qu’inspirent ces hauteurs. On ne voit plus que des sommets purs nageant dans l’éther, et tendant vers le haut pour s’y perdre dans la sérénité et la tranquillité; les bas-lieux de la Terre ont disparus et sont oubliés ».
-« Ceux qui craignent de se hasarder dehors par le moindre nuage ne se doutent guère de la beauté et de la variété qu’offrent tous les aspects de la nature, et des plaisirs qu’elle peut donner même dans ce qu’on nomme son inclémence. »
-« Pierre me demande si je fais des vers. C’est cette nature qui en fait, et moi je les lis ».
Sur sa montée sur Gavarnie. « Après le village, le Cirque se déploie, magnifique et régulier, dans toute son étendue ; toutes les saillies sont couvertes de neige. Je ne me lasse pas de considérer cet édifice merveilleux. L’impression est sublime et ravissante à la fois, cela reste ce qu’il y a de plus grand et de plus beau dans les Pyrénées. »

Le cirque de Gavarnie

La page de mon carnet sur le Cirque de Gavarnie…
Selon Béraldi, Alfred Tonnellé « laisse un livre original, durable, quarante ans inconnu, mais qui finalement le classera pour toujours au premier rang des écrivains pyrénéistes. Livre écrit d’un style décisif, au moment décisif, avec la poésie des hautes régions, le sentiment religieux sans affectation, la couleur, même l’ivresse des tons rares (si capiteuse !) mais sans recherche d’épithètes rares. Tonnellé peint avec le simple et pur français éternel, celui qui ne vieillit pas. Il a la rapidité et la précision de la vision, la netteté et la fermeté du rendu. »
Habité par une soif dévorante d’évasion, Alfred Tonnellé écrit de façon prémonitoire:
« Je tremble à l’idée de manquer de force (et de temps?) pour m’élever jusqu’aux cimes les plus sublimes, m’enfoncer dans les plis les plus reculés des montagnes, franchir les vastes océans, et parcourir les mondes nouveaux, pour fouler tous les vestiges des âges éteints, et tous les monuments que les générations passées ont laissés derrière elles pour nous instruire de leur passage et nous faire réfléchir sur leurs pensées, pour m’abreuver à toutes les sources de beauté et élever mon âme sur tous les hauts sanctuaires… « . Je sens ici si bien toute la beauté d’une jeune âme si avide de vivre. Elle m’en rappelle une autre… Communion avec une âme sœur…
-« Où sera donc le temps de mettre à exécution tant de projets, de voir, de lire, de faire, de connaitre tant de choses rêvées? Il faut élaguer les inutilités. Je n’ai encore rien fait, pour ainsi dire, qu’assembler des matériaux, prendre des notes, et faire des projets pour vivre, comme si je devais avoir une seconde vie dont celle-ci ne serait que l’introduction. Alors je regarde les jours qui passent, et le temps qu’il faut pour faire un voyage, avec une anxiété d’avare qui veut retenir cette monnaie qui s’écoule… Tâcher en arrivant de ne pas me laisser reprendre et emmener par le courant. Se resserrer. Aboutir. Et cette provision de notes que je m’épuise à prendre en si grand détail, à quoi bon, si elle reste enfouie? »
Sois tranquille, Alfred. Tes écrits, au moins, sont parvenus jusqu’à nous… Ils ont été écrits par une âme-sœur… Et m’ont forcément profondément touchée.

Cette « âme de feu » décédera de la typhoïde le 14 octobre 1858, à 27 ans à peine, quelques jours après son retour chez lui; il venait juste de réviser la rédaction de son carnet de voyage, considéré à juste titre comme un écrit majeur du pyrénéisme :
Trois mois aux Pyrénées et dans le Midi en 1858.
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Tout proche de Lourdes, mais plus discret, moins ostentatoire et visité de manière moins massive, le sanctuaire de Lestelle Bétharam mérite un détour… Il y règne une atmosphère de paix qui a plus à voir avec l’esprit de la route de Saint-Jacques de Compostelle, avec tout ce que ça représente de recueillement et de profondeur. Même si je trouve les processions nocturnes de Lourdes encore émouvantes et belles à voir, les touristes du monde entier qui se prennent en selfies devant la grotte en parlant fort… Cela me gêne un peu. Rien d’aussi dérangeant à Lestelle Bétharam… un lieu de spiritualité plus vraie, peut-être… Plus authentique…

Lestelle Bétharam

L’entrée du sanctuaire de Lestelle Bétharam.

L’intérieur de la chapelle du Sanctuaire, baroque et somptueuse.
Pour terminer, voici le lien pour aller voir ma vidéo postée sur YouTube : »Pyrenéisme… Entre cirques verdoyants et lacs d’altitude ».